Des européennes ? Ah bon?
7 juin 2009, il est peu probable que cette date reste dans l'histoire. Pourtant les populations de 27 pays d'Europe éliront en ce jour leurs députés au Parlement européen.
Voilà typiquement le type d'introduction qui ne donne pas envie de lire la suite, je vous l'accorde. Bon voilà au moins le décor est planté. Les élections européennes qui auront lieu d'ici un mois vont se dérouler dans l'indifférence générale, des médias et des populations.
Pour ma part, je dois avouer que malgré mon esprit civique, ce désintérêt manifeste, de la part des européens, a plutôt tendance à me réjouir! Si, effectivement, à l'échelle européenne moins de 40% des électeurs se déplacent, je considère qu'il s'agit avant tout d'un échec de l'UE et non, loin s'en faut, d'un désintérêt croissant des européens pour la chose publique. Car soyons clairs : où en est l'Europe?
AU CARREFOUR mais dans l'IMPASSE. Tentant désespérément de mettre en œuvre un traité que les populations rejettent, essayant dans le même temps de créer les conditions d'émergence d'un marché libéral transatlantique, confrontée à l'explosion des déficits de l'ensemble des Etats européens, songeant vainement à sauver une monnaie unique, ne sachant s'il vaut mieux continuer à s'élargir où à accroître les liens en Etats membres. Voilà pour faire vite, quelques débats qui secouent l'eurosphère. Il y aurait même de quoi se réjouir de l'existence de tels débats. SAUF que ces derniers n'ont pas lieu au sein de l'hémicycle européen. Mais à la commission, lors des sommets (Conseil européen) entre chefs d'Etat. Le seul organe démocratique (et encore il y aurait beaucoup à dire) européen, à savoir le Parlement n'est pas le lieu des débats mais une chambre d'enregistrement. Pour paraphraser une femme qui sait de quoi elle parle "L'europe ne s'occupe pas que des affaires qu'on lui dit de s'occuper" mais de bien plus! Seulement les peuples européens ne peuvent s'occuper d'elle. Cette superstructure technocratique est ressentie dans les populations comme la main visible du joug libéral et de la pensée unique. Il y a un an les Irlandais ont dit non au traité de Lisbonne, ils revoteront en Octobre, sur le même sujet, dans l'espoir où qu'ils aient changé d'avis. (On pourrait peut être leur faire croire que le rejet du Traité explique la faillite actuelle de leur pays ? Voilà une bonne tactique pour qu'ils approuvent!). Respect de la vox populi... quand tu nous tiens.A ce stade, je ne peux m'empêcher d'ouvrir une parenthèse sur le cas irlandais. L'Irlande était un pays pauvre il y a de cela 25 ans. Depuis, dans le cadre européen, ce pays a reçu des louanges et a été paré de toutes les vertus. Une politique de dérèglementation, le choix de baisser drastiquement les impôts sur les sociétés afin de faire venir un maximum de multinationales sur le territoire, laisser faire financier, explosion des secteurs informatiques et bancaires, spéculation...un peu comme en Islande mais avec le soutien officiel de Bruxelles et du FMI. En agissant ainsi, l'Irlande a tiré profit d'un puissant dumping fiscal défiant toute concurrence au sein de l'UE. Vous comprenez aisément la suite. La crise a fait s'effondrer le système financier irlandais, la dette publique est colossale, le déficit budgétaire abyssal. Mais le gouvernement irlandais continue d'appliquer les recettes mises en œuvre les années précédentes. De peur que les investissement étrangers dans le pays ne se tarissent définitivement, la politique fiscale demeure inchangée. Les grandes firmes continuent ainsi de disposer de ce paradis social et fiscal. Pendant ce temps le chômage explose, les dépenses de santé aussi, mais pas d'augmentation de salaires mais gel voire diminution pour les fonctionnaires. Pareillement les prestations sociales stagnent. Toute la stratégie de développement irlandais s'écroule, tandis que dans le même temps la dépendance du pays vis à vis de l'étranger s'est amplement accrue. Et on s'étonne que ces gens puissent être "eurosceptiques" ??
Entendu aujourd'hui, sur les 24 plus gros receveurs de la PAC, pas un n'est agriculteur (Il s'agit là de subventions supérieures à 5 millions d'Euros annuels), ce scandale a été relevé en réalité voilà déjà plusieurs années (Souvenez vous de la Reine d'Angleterre...), quelles ont été les réactions, les modifications des méthodes de distribution de la PAC ? Rien ! Alors que dans chaque Etat on a eu le temps de publier plusieurs lois contre les chiens dangereux... Sur les OGM, même attitude, rien ne bouge, ils sont toujours considérés comme neutres,la commission demande même aux différents Etats de les accepter sur leur territoire au nom de la sacrosainte libre concurrence. S'il y a une chose de certaine, c'est que les lobbys ont mieux su s'ingérer dans les affaires de l'UE que les populations. Alors, dans ses conditions se déplacer aux urnes pour sauver cette saloperie...
Après tout qu'ils fassent comme bon leur semble, qu'ils continuent à tout foutre en l'air avec le sourire de ceux qui savent. Qu'ils ne puissent pas en revanche se gargariser de la légitimité populaire, qu'ils soient de fait considérés pour ce qu'ils sont, des agents de la dérégulation dotés d'un ego surdimensionné.
Quant à l'arlésienne politique économique commune (pan de relance, etc) c'est une chimère, chaque pays cherche en réalité à maintenir son "avantage comparatif" au sein de la zone. L'Allemagne et ses exportations industrielles, l'Europe de l'Est et l'Irlande leur caractère si peu contraignant en matière salariale, fiscale et sociale. L'Espagne et sa main d'œuvre clandestine qui explique sa croissance immobilière et agricole, la France et sa vache à lait agricole, la Grande Bretagne en tant que paradis fiscal déguisé... Il n'y a pas de politique économique commune et rien dans la direction politique de l'UE actuelle qui permette d'aller dans ce sens.
Voilà dans quel état d'esprit je me rendrai aux urnes le 7 juin, sans aucune illusion, en espérant secrètement que peu suivront le même chemin.
Vive l'Europe, à mort l'UE est le seul slogan qui vaille.