PALIMPSESTE

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Histoire


Chronique de la désintégration nationale

Jeunes gens klaxonnant drapeaux verts et blancs ornés de croissants flottant dans le vent. Sécurité renforcé, bataillons déployés, Français friqués apeurés.
Foules acculturées, n'ayant pour identité, qu'un pays fantasmé. Intégration, footaise à la con, dessine m'en un brouillon. Un ballon rond ? Ou un mouton égorgé sur le balcon ?

Une main qui n'a rien de sain, pour accéder au saint des saints. Saint Denis, pataugeant dans l'ennui, marasme à Paris. Lendemain matin, ministres à la mine triste, à mort l'arbitre. "Honteux les heureux ! Scandaleux dans le jeu ! Et si l'on rejouait pour aider les télés ? De la morale chez la balle, que dalle ! Sachez chers Irlandais que notre pays est laid et combien je le hais." Autoflagellation en guise de satisfaction et recommandations pour Raymond plutôt que félicitations.

Histoires de bac, bac sans histoire, pas de quoi en faire une histoire. Repas sans fromage ou sushi sans manga, c'est du pareil au même. Les scientifiques ont besoin de technique, ça rapporte du fric. Identité, nationalité, citoyenneté, vous pensiez les mériter ? Vos enfants ne sont plus de la patrie, pourvu qu'ils soient dans la partie.

Travailleurs non déclarés, grèves sur les chantiers, voilà pour les chansonniers. Grèves chez les saisonniers, ouvriers non déclarés. Esclavage modernisé et mondialisé.

Ô vous les imbéciles heureux nés quelque part, ne croyez-vous pas qu'il est bien tard pour exposer ainsi sans fard le vide de notre regard, scrutant dans le noir la possibilité d'un phare ?

23/11/2009
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L'Histoire aujourd'hui : La sacralisation du patrimoine

L'époque contemporaine dans notre Europe vieillissante cherche à nous rendre "palpable" l'Histoire. "Goûter" au plaisir de notre Histoire comme un œnologue le ferait pour le vin, relève du savoir-vivre. Non, qu'il faille faire de l'Histoire dans sa tour d'ivoire, mais tout de même que nous donne-t-on à "voir"? Le patrimoine et ses Journées, sont nos églises, nos temples actuels. Sacrés, inviolables, entretenus, choyés. Au moindre de nos pas, une plaque commémorative, une façade "digne d'intérêt", un trésor mésestimé. Chaque année, des millions de "curieux" effectuent leur pèlerinage vers les lieux saints, toujours plus nombreux, soigneusement dépoussiérés pour l'occasion.

C'est que, cher lecteur, l'Histoire, pour notre petit peuple, doit être accessible. Faut pouvoir la "sentir", la "voir", l'"entendre". Chercher à la comprendre n'a que peu d'intérêt, il se pourrait même que cela soit dangereux. Le patrimoine est le média sensitif le mieux adapté à une époque de l'immédiateté. Il est là, toujours présent, immuable parfois, ses portes sont ouvertes.

Sa restauration et son entretien voire sa colorisation n'en sont que la partie émergée. Déjà, le patrimoine tel que nous le connaissons, relève plus de l'art que de l'histoire. Ce qui fait le succès, n'est ce pas sa beauté, sa splendeur, son caractère, ou pire son authenticité synonyme ici d'accessit à la Vérité. Ce qui demeure d'une époque c'est d'abord ce qui est solide : On trouve plus de palais que de maisons en torchis de nos jours. Les bidonvilles européens ont disparu, et curieusement personne ne s'est battu pour en laisser quelques traces afin d'élargir le patrimoine. Que conserve-t-on sinon ? ce qui est utile évidemment. Ainsi des aqueducs romains à la différence de leurs temples païens. Ce qui était un ouvrage technique devenu inutile quelques siècles plus tard se transforme alors en art, témoignage du génie d'une civilisation. Sinon, que garde-ton ? Ce qui a de la valeur, ou plutôt, beaucoup de valeur. Pour cet aspect, on a toujours fait confiance aux héritiers, et ça fonctionne : Il est tout aussi, voire plus difficile de mettre la main sur une bêche du XVI° siècle que sur une amulette en or d'une quelconque princesse égyptienne. Enfin, une société cherche à protéger ce qu'elle perçoit comme étant beau. Le beau, jusqu'à peu, c'était l'art. Jusqu'au XVI° siècle, la production était jugée bien plus importante que l'artiste, souvent plus méprisé et courtisan qu'intellectuel reconnu.

Autrement dit, que nous reste-t-il matériellement ? Ce que nos prédécesseurs ont jugé important, ce qui était extraordinaire, ce qui finalement n'était pas leur propre histoire. On pourrait même aller plus loin : les images d'archives avant que l'outil caméra ne devienne un bien de consommation courante, sont plus que trompeuses. Bien peu de Russes en 1917 avaient ne serait-ce qu'une idée du visage de Lénine, ce qui n'a pas empêché le communisme. Les frères Lumières et les premiers cinéastes sont aller filmer l'entrée en gare de trains non parce que cet événement était quotidien mais parce qu'il était encore, pour beaucoup, un phénomène inconnu. On célébrait bien à cette occasion le génie d'une civilisation et d'une époque. Les premières photos ont montré les barricades de 1848 à Paris et de fait le XIX° siècle est aujourd'hui celui des révolutions. Pas sûr que Charles X ou Napoléon III l'ait compris comme tel.

Que l'on ait, au travers du patrimoine, une vision tronquée de l'Histoire, relève de l'évidence. Que celle-ci soit falsifiée par l'omniprésence du premier est problématique. Le patrimoine, à la différence de l'histoire est présenté de façon horizontale. Les siècles s'entrechoquent, la chronologie s'efface, les témoignages s'insèrent dans un passé informe, où la profondeur du temps n'a pas sa place. En traversant une rue, ou en descendant un étage, nous parcourons des siècles.

Les restaurateurs, les muséologues, les archéologues sont d'ailleurs confrontés à un dilemme quotidien : quelle image présenter au public ? Le Versailles que l'on nous montre doit il être expurgé de ses apports Louis XVI, faut il effacer les voutes brisées gothiques de telle cathédrale pour revenir à ses berceaux romans ? Mieux, faut-il recréer les sculptures de tel cloître, ou repeindre en couleurs criardes les façades antiques des palais ? Relever toutes les pierres du forum romain ? Faut-il franchir le pas de la reconstitution ? Pour quelle raison ? Un siècle vaut-il mieux qu'un autre ?

En tout cas, il faut pré-ser-ver. Ah çà oui, à tout prix. Autrement dit, il faut statufier, muséîfier, momifier, conserver ou rajeunir, effacer les atteintes du temps, gommer les imperfections, bref effacer l'Histoire. Ce qu'il nous est donner à voir et présenté comme un joyeau inestimable, n'appartient à rien ni à personne. Le patrimoine n'est pas le produit d'un peuple, d'une civilisation, il ne connaît ni propriétaire, ni héritier. Il est libre de droit, comme le sont les œuvres musicales de plus de 50 ans. Il n'a d'intérêt historique véritable que si les ajouts, les manques, les transformations, les blessures du temps y sont visibles. Le patrimoine est une contre-histoire visant à nourrir notre imaginaire en vue de s'approprier un passé décontextualisé.

Le patrimoine est avant tout une politique, une reconstitution fidèle. Si l'Histoire est un essai, le patrimone est un roman. Une narration aventureuse peuplée de personnages quasi légendaires (Ah le pauvre duc de Guise dans le château de Blois, et ces mannequins de cire qui habitent encore les prisons de la conciergerie, faudrait songer à les reloger, à côté de Dati à Grévin)
Cette culture là est gratuite (parfois), accessible à tous. Avoir recours aux visites guidées, aux formulaires copieux ou encore aux guides touristiques constituent le must du "curieux" qui se fait alors "historien amateur" ou "érudit"...voire ! Il faut vivre avec son temps mais l'histoire chevillée au corps. Le patrimoine, c'est nous.

21/10/2009
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L'Histoire aujourd'hui : La mémoire

Dans cette série d'articles, je présuppose que les rapports d'une société avec son histoire, déterminent largement les rapports sociaux, l'imaginaire symbolique ainsi que son regard introspectif. L'image que nous avons de nous mêmes est la reconstruction de ce que nous croyons incarner. Au terme de cette série, j'essaierai de tirer quelques conclusions concernant l'évolution de notre regard sur nos agissements. La façon dont nous nous percevons au regard de notre histoire en dit long sur ce que nous aspirons à être. Le pari est plus qu'ambitieux, peut être prétentieux, j'en conviens. Mais bon, "faut bien s'lancer !"


Depuis quelques temps, un débat original agite les historiens et quelques intellectuels venus d'autres horizons : Que commémorer ?
D'aucuns s'offusquent de l'absence de toute personnalité française de rang important lors des reconstitutions/commémorations annuelles de la bataille d'Austerlitz. Pourquoi avoir honte de "nos" victoires ? Pourquoi faire l'impasse sur nos moments de gloire ? Quel pays ne s'est pas forgé aussi dans les victoires ? Pourquoi exclure Austerlitz de notre patrimoine alors que les officiels français ne rechignent guère à s'incliner à Waterloo ou ailleurs au nom des victimes innocentes tombées face à l'armée française ?
D'autres sont favorables à l'instauration de journées de commémoration de l'esclavage (La ville de Bordeaux est désormais dans ce cas de figure), ou en souvenir des crimes commis en Algérie, dans les colonies, ou d'une minute de silence annuelle pour les victimes de la Shoah. Il est primordial qu'un pays comme la France soit capable d'effectuer pleinement son travail de mémoire sans en dissimuler les faces sombres.

Pour résumer, les premiers seraient des "nationalistes", les seconds des "humanistes".
L'option nationaliste estime que les Français peuvent être fiers de ce qu'ils ont réalisé au cours de leur longue histoire, les seconds pensent que a France fut avant tout une puissance majeure et qu'à ce titre, elle n'a pas hésité à avoir recours au même instruments de terreur que les régimes inquisitoriaux, tyranniques, impérialistes ou totalitaires.

Le pouvoir politique depuis Chirac a pris le parti de s'excuser officiellement pour l'esclavage ou pour Vichy. Dans le même temps, il a tenté d'introduire un amendement visant à enseigner les aspects positifs de la colonisation. Depuis Sarkozy, la confusion s'installe et le devoir de mémoire relève du seul émotionnel : Confier une âme d'enfant juif déporté à chaque élève de CM2 ou lecture de la dernière lettre d'un résistant communiste avant d'être fusillé. Commémoration en grandes pompes du débarquement en Normandie avant sommet bien réel de l'Otan, ce vestige de la guerre froide. Le 14 juillet ne donne plus lieu à la traditionnelle garden party quant au défilé militaire matinal il a désormais pour but d'accueillir des régiments étrangers, les plus exotiques ou symboliques possibles. Quid de la fête nationale ?

Dans le champ médiatique, les mémoires tendent à supplanter l'histoire. Diverses et souvent contradictoires, les mémoires se repaissent des commémorations ou autres célébration. Se souvenir, devoir de mémoire, ne pas oublier, voilà les nouveaux impératifs kantiens du siècle qui se lève. L'histoire dans tout cela est malmenée, tiraillée. Jugez en : conflit israélo palestinien, que peut l'Histoire ? Dans les médias, les discours, (même le si exceptionnel discours du Caire d'Obama) partout ce conflit est expliqué par des divergences religieuses, ethniques et l'immense chappe de plomb de la Shoah empêche toute réflexion sérieuse : Certains vont jusqu'à la nier pour faire ressortir l'atrocité des crimes israéliens (Iran), d'autres, au contraire, estime que cette catastrophe subie par le peuple juif, justifie leurs agissements actuels, les lave de tout soupçon. Il y a quelques jours un rapport de l'Onu fait état de crimes de guerre (et dans certains cas de crimes contre l'humanité) commis par Tsahal (l'armée israélienne) lors de leur dernière offensive à Gaza. Quoi ? Crime de guerre ? Crimes contre l'humanité ? Oui, vous avez bien lu. Votre devoir de mémoire réagit au quart de tour : "Mais c'est les Nazis qui les premiers ont dû comparaître pour ces crimes lors du procès de Nuremberg... Non, c'est impossible, que ceux qui ont subi cela, puissent aujourd'hui... "

Et pourtant si. C'est là la différence entre histoire et mémoire. Dans l'imaginaire collectif dominant, les juifs (et donc ici les Israéliens) ne peuvent être que des victimes. L'Histoire nous enseigne que bien des victimes passées se sont transformées en bourraux. La mémoire est à l'histoire ce que la pellicule est à la photo. Il est nécessaire de la traiter pour en tirer une reproduction plus fidèle de la réalité. Brute, elle est sans intérêt, nuisible même à l'interprétation des phénomènes qui se déroulent sous nos yeux.

Résumé : Les mémoires envahissent tout et piétinent la discipline Histoire. Elles sont souvent contradictoires et conflictuelles. Mais le fait de les" travailler" nous incite à ouvrir les yeux sur certaines pages sombres. On peut craindre que le mea culpa permanent vire à une espce d'auto flagellation permanente, plus rituelle qu'admise ou comprise.

20/09/2009
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