PALIMPSESTE

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Retour sur l'enfumage post cantonales

L’interprétation des résultats électoraux constitue un enjeu politique de premier ordre. Imposer sa grille de lecture, c’est déjà les gagner à moitié.

Contre vérité 1 : Une très forte abstention

 

Que n’a-t-on pas entendu ? Rendez-vous compte, 55 % des Français ne se sont pas rendus aux urnes lors des deux tours ! Pour ma part, j’estime à l’inverse que l’abstention est relativement faible du fait des conditions dans lesquelles ce scrutin s’est déroulé.

Tsunami dévastateur et crise nucléaire au Japon. Enjeux planétaires.

Révolutions arabes et guerre en Libye. Enjeux planétaires.

Elections cantonales. Enjeux locaux, en général fort confus. La capitale ne vote pas. Pour les médias ce n’est jamais que les provinciaux qui iront voter.

Cantonales sacrifiées médiatiquement. Campagne inexistante.

L’élection présidentielle dans un an. On règlera les comptes plus tard.

Des élus qui ne le seront que pour un mandat de trois ans. La dernière des élections cantonales. Renouvellement que de la moitié des sièges.

Des élections habituellement couplées à d’autres…et qui mobilisent toujours moins que “leurs parraines”, régionales, municipales ou législatives.

Des élections, qui lorsqu’elles sont partielles, mobilisent rarement plus de 25% de l’électorat.

Entre les deux tours, des ténors de droite qui n’ont pas hésité à appeler à l’abstention pour ne pas avoir à choisir entre la gauche et l’extrême droite.

Pardonnez-moi mais malgré ce contexte, près d’un Français sur deux a fait le déplacement. Je trouve cela au final plutôt civique. Pas de quoi se gargariser, mais honnêtement pas de quoi s’affoler.

 

Contre vérité 2 : Une victoire pour le FN

15 % au premier tour (mettons même 17 en tenant compte des cantons où il était présent) deux élus aux deuxième. En quoi est-ce exceptionnel ? C’est le score de papa en 2002, c’est moins en voix que lors des cantonales de 2004.

Se maintenir dans 400 cantons aux deuxième tour. Dans la plupart des cas, c’était auparavant des triangulaires. Le passage du seuil de 10% à 12.5 % des inscrits a simplement empêché des configurations de triangulaires (8 sur toute la France !) et est revenu comme un boomerang dans les dents de l’UMP. Sur 400 duels, 398 défaites !

Seul phénomène politiquement intéressant, son gain en voix entre les deux tours, en particulier dans les cantons où la droite n’était pas présente au deuxième tour. Cela nous apprend qu’une partie de l’UMP se range derrière le FN au deuxième tour. A contrario, les résultats calamiteux de l’UMP au deuxième tour nous renseigne sur le degré d’imperméabilité des électeurs frontistes envers le discours UMPiste. La contamination est unilatérale. Seul le mouvement de la droite vers l’extrême existe, mais il n’est pas majoritaire.

Un électorat frontiste mobilisé. Objectif, offrir un sacre à sa nouvelle championne si médiatique. Un parti qui fait enfin le devant de la scène. Des dizaines d’années que papa se plaignait de l’omerta. Madame se fait presque inviter partout avec tous les égards qui lui sont dus. Non contente d’être star des télés, la dame est devenue l’égérie des sondages. Deux semaines avant le premier tour des cantonales un sondage crapuleux la donne au deuxième tour. Elle est aussi la seule candidate officiellement déclarée, sa campagne débute pied au plancher. On ne parle que d’elle, on ne voit plus qu’elle. Sur les affiches du FN aussi, on ne voyait que sa trombine. Dans un tel contexte atteindre 17 % n’a rien d’exceptionnel. Car il s’agit là de 17% de 45% de 22 millions d’habitants appelés aux urnes. Surtout démonstration est faite que malgré la rénovation de façade idéologique, ce parti n’est nulle part majoritaire sur le territoire et qu’il soit opposé à la droite UMP, aux divers droite, au PS, au Front de gauche.

 

Omission 1: Une très large victoire de la gauche.

La victoire de la gauche. Elle réunit 50% des voix. Il est vrai que cela devient habituel aux élections intermédiaires. Mais alors qu’elle détenait déjà une majorité de département elle parvient encore à en grappiller 5 dont le Jura ou en Savoie, départements fort honorables mais peu connus pour être des terres de gauche !Excusez du peu. Fort étrangement, le sondage qui donnait Le Pen au deuxième tour ne comptabilisait que 40-42 % pour cette dernière. Au final, donc on préfère retenir le mythe du sondage (elle est au deuxième tour) plutôt que la vérité des urnes (la gauche à 50 %).

Omission 2 : Une surreprésentation de l’électorat de droite

Qui a voté ? Les campagnes plus que les villes. L’attachement au canton est plus fort dans les campagnes où l’on distingue mieux cet échelon. Les taux de participation sont plus élevés dans les départements les plus ruraux. Ou a-t-on voté le moins ? Dans les banlieues d’île de France, en Seine Saint-Denis, ou dans les cantons urbains et populaires des grandes agglomérations. Les Parisiens intra muros n’étaient pas convoqués. Or, les campagnes votent plus à droite que les villes. Or,  les campagnes c’est comparativement plus un électorat âgé, donc les derniers bastions du Sarkozysme. Si ces élections avaient été nationales le score de la droite aurait été encore plus minable.

 

Conclusion 1: Analyse erronée profite aux perdants : la gauche au tapis au troisième tour

En s’écharpant sur le prétendu débat sur la laïcité, la droite parvient à maintenir l’attention sur elle. Elle relègue la grande victorieuse (la gauche faut-il le rappeler) au second plan. Ce qui est consternant est que celle-ci s’en satisfait tout occupée qu’elle est entre ces primaires et autres investitures. Au moment où elle dispose d’une fenêtre de tir pour exposer ces idées, ses perspectives politiques, elle préfère admirer la décomposition de l’adversaire pourtant prêt à tout pour occuper l’espace. Le paradoxe est le suivant : bien que le premier round des présidentielles soit emporté haut la main par la gauche, l’attention générale reste fixée sur la droite autour de thématiques de l’insécurité et de l’identité. La campagne débute sur des thématiques de droite avec l’assentiment de la gauche.

Conclusion 2 : Accréditer la thèse d’une renaissance brune plutôt que d’admettre ses erreurs

Comment s’étonner dès lors que les bataillons de bien pensants s’alarment devant le phénix fasciste ? Celui qui lit les éditos ou se contente des unes des magazines pourrait se croire plongé dans un Vichy new-wave . La bête est là tapie dans l’ombre malgré sa métamorphose, voilà le discours. Durant les semaines qui précédaient les fabricants d’opinion ont fait le pari Le Pen (eux ils disent Marine d’ailleurs). Les résultats des élections offre un démenti assez cinglant. Le pseudo “effet Marine” est bien faible en dépit de toute la publicité gratuite. Mais non, mieux vaut y voir la confirmation des thèses journalistiques qui précédaient quitte à travestir l’évidence. Les journalistes et les sondages se sont plantés ? Détrompez-vous braves gens, c’est que vous n’avez pas la bonne lecture des résultats.  Au final, des journalistes  qui refusent d’admettre leurs limites dans la fabrique de l’opinion comme dans l’appréciation des résultats. La fracture médiatique n’est pas près d’être résorbée.

Conclusion 3 : Mettre délibérément des œillères, c’est l’heure du storytelling présidentiel

Faire des Français un peuple xénophobe au vu des résultats est un contresens majeur. J’en veux pour preuve le fait que le parti qui droitise à l’extrême son discours connaît une déroute. Le FN dont s’est là le fond de commerce n’en profite que marginalement. Or l’UMP stricto sensu + le FN plafonnent à 35% –37% des voix. Ces voix, il faudra se les partager dans un an au premier tour. Pire les motivations anti immigrationnistes ou xénophobes parmi les électeurs frontistes ne sont pas si majoritaires. Les dimensions contestataires, anti système, voire anti élitistes ou anti CAC40 représentent une part non négligeable dans le vote FN. L’immigration, l’identité et la sécurité arrivent très loin derrière le chômage, le pouvoir d’achat, l’éducation, dans l’ensemble de l’électorat. Si loin que le FN ne pourrait réaliser de tels scores si seuls ceux qui font une priorité des trois premières s’étaient exprimés en sa faveur. Ainsi donc, il est consternant de voir le petit monde médiatique et politique s’agiter autant sur des problèmes qui ne sont que très secondaires pour les Français. C’est parce que le FN est vendeur, c’est excitant, ça sent la poudre, au FN on n’hésite pas à employer des mots qui suggèrent d’autres maux. Le FN, c’est le frisson garanti. Ca fait bander le journaleux. Et merde !  le parti se “normalise” si l’on en croit les sondages. C’est donc là qu’est le danger répondent en chœur les médiacrates. Attention le FN se banalise ! Mais pourtant, quel parti souhaite aujourd’hui se normaliser ? Est-ce vraiment une chance pour un parti de se banaliser ? Quand on voit l’image de marque détestable qu’ont les partis “normaux” en France ! Etre un parti comme les autres en 2012, c’est perdre à tous les coups.  Gagnera celui qui saura marquer sa différence et l'assumera de bout en bout.



30/03/2011
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