PALIMPSESTE

PALIMPSESTE

Vivement le changement climatique chez les Verts !

ON A PERDU ! VICTOIRE !

L'écologie politique ( j'entends par là, les mouvements et partis conférant à l'écologie le premier rang dans leur engagement politique ) est entrée dans une ère nouvelle que l'on pourra baptiser "post Copenhague". L'échec retentissant du sommet Climat de l'Onu auquel s'était rendue la très grande majorité des chefs d'États du monde entier, marque paradoxalement une grande victoire : l'enjeu environnemental est au centre des préoccupation des puissants de ce monde. Des leaders du PC chinois jusqu'au président des Etats-Unis, de Berlusconi à Medvedev, de Chavez à Brice Lalonde, tous les puissants de ce monde se sont penchés un instant sur le sort de notre petite planète.

C'est émouvant, ces enfants qui se penchent sur la mère nourricière non ? Bien sûr les enfants, qui sont tous frères donc, n'ont pas résisté à la tentation de se disputer sur la façon dont ils allaient, chacun dans leur coin, gérer l'héritage de la vieille en train de crever. Certains désiraient (après s'être copieusement servis depuis deux siècles) un partage équitable des ressources. Les lésés de la veille l'ont eu mauvaise et estimaient ne pas avoir de leçons à recevoir des pilleurs. Mais le problème est que les lésés de la veille étaient les plus nombreux, et qu'aujourd'hui, il faut se partager moins en étant 7 milliards. Merde alors !

L'échec de Copenhague disais-je marque un succès pour les écologistes qui ont su en faire un enjeu politique déterminant. En revanche, il marque la défaite de l'écologie politique, qui s'est fait subtiliser son enfant, piller ses thématiques, alpaguer la rhétorique, capter le fonds de commerce. Dépouillée, l'écologie politique ! Que lui reste-t-il, maintenant qu'industriels et hommes politiques de tous bords sont prêts à s'engager (au moins en paroles) dans la croissance verte et le développement durable ? Rien, absolument rien, si ce n'est les sempiternels "c'est pas assez" "ça ne suffira pas" "de toute façon il est déjà trop tard" ou encore "l'urgence c'est maintenant". Toutes ces formules creuses, notoirement alarmistes et anxiogènes égrenées (ou égrainées ?) sur un ton qui va du registre compassionnel, à la mise en garde sévère... Eux savent ce qu'il faut faire... et ça promet.


A QUOI RESSEMBLERAIT UN MONDE TOUT VERT ULTRA SOPHISTIQUE ?

La doxa bien pensante verte allie avec génie la techno-science ultra avancée avec un archaïsme naturaliste digne de rebouteux médiévaux. Entre "chacun sa chèvre" et "nous sommes tous ingénieurs en nano technologies"...
Le credo écolo est en réalité, le plus insupportable qui soit dans la mesure où il décrit une société future objectivement plus dure que l'actuelle et sans aucune compensation si ce n'est celle de la bonne conscience. La société qu'ils nous concoctent pour demain promet d'être trépidante : quelques extraits en avant première.

"Avez-vous bien recyclé votre merde aujourd'hui, avez-vous été carbo-neutre cette année, avez-vous acheté plus chers vos légumes bio, votre panneau solaire a t-il un rendement de 30% supérieur aux normes environnementales édictées par la Société Anonyme de la Protection de la Nature, des Générations Futures, pour l'Environnement Durable (SAPNGFED) ? Si oui, vous êtes sur la bonne voie, vous avez droit à un panier de légumes frais généreusement offert par votre cultivateur local (labellisé PE-protecteur de l'environnement par l'UE). Mais vous pouvez encore vous améliorer en :

A /Allant au travail en vélo (vous avez droit à une dérogation si vous travaillez à plus de 25 km de votre lieu d'habitation-pour cela veuillez imprimer sur papier recyclé une attestation de votre lieu de travail. Nous vous conseillons toutefois d'envisager rapidement un déménagement, ainsi vous profiterez du prêt à taux zéro de la SAPNGFED)

B/ Vidant votre piscine pour éviter une trop grande consommation d'eau durant l'été.( Les municipalités qui ne respecteraient pas ces consignes et s'opposeraient au décret ministériel L 049-3 (!) verraient leur distribution en eau domestique largement réduite.)

C/ Revendant votre troisième 4*4 au bénéfice de la SAPNGFED. (L'abattement fiscal dont vous profitez pour les deux premiers ne sera pas renouvelé si vous ne respectez pas cette consigne.)

D/ Refusant d'être vacciné et en jouant dans un clip vantant les mérites de la médecine par les plantes (qui elle n'utilise pas de substances chimiques.)

Si vous parvenez à respecter l'ensemble de ces recommandations, vous serez décoré de la médaille de "l'éco-citoyen conscient de n'être qu'une minuscule particule du monde dont la vocation est de transmettre une planète saine à ses descendants". Vous serez alors gratifiés de deux paniers bio de votre cultivateur local (PE).

UN PORTRAIT DE L'HOMO ENVIRONNEMENTALUS


Cela exprime parfaitement le rêve individuel de l'électorat vert. Une radiographie rapide met en évidence que les Verts obtiennent leurs meilleurs scores en milieu urbain. Mieux ! Le score écologiste est proportionnel à la taille de la métropole : il s'améliore au plus l'agglomération est importante. C'est en Ile de France que les Verts misent leurs plus gros espoirs pour les régionales et non pas en Auvergne ou en Champagne Ardennes.
Le fantasme partagé par ces jeunes urbains éduqués et aisés consiste bien à mettre la campagne à la ville comme C. Duflot qui affirme vouloir faire de l'Ile de France un jardin. L'électorat écolo fantasme la vie rurale (qui n'existe plus) et se plaint de son environnement direct (bruit et lumières de la ville, rejet des pots d'échappement, qualité de l'eau, manque d'espaces verts pour son running). Il n'est pas forcément plus sensible à la déforestation de l'Amazonie, à la fonte des glaciers (que lui a pu photographier lorsqu'il est allé faire son trek au Népal) ou à la progression des déserts, et il ne s'implique pas plus dans la protection de la barrière de corail australienne que l'agriculteur de Poitou Charentes.
S'il vote Vert c'est par mauvaise conscience. Il sait qu'il est responsable comme tout un chacun. Mais, en votant vert, il espère améliorer son environnement (local) et s'achète à peu de frais une conduite de citoyen responsable conscient des enjeux environnementaux mondiaux. Il est partisan ou milite activement pour des associations de type NIMBY (not in my backyard), dont le principe est de dire : bien sûr il faut des usines de traitement des eaux usagées, bien sûr, celles qui existent ne sont plus suffisantes, mais je serai prêt à tout pour empêcher qu'elles se construisent près de chez moi. Témoignant ainsi de ce même surmoi à géométrie variable qui peine à articuler le local et le global. Pauvre Homo Environnementalus incapable de saisir l'autre discours des tenants de l'écologie politique, là où il n'est plus question d'environnement. Petit florilège.

LE FOND DU VERT N'EST PAS TRÈS FRAIS


En Ecologie (Thomas More aurait parlé d'Utopie), on fume de l'herbe mais sans nuire à la santé. En Ecologie, on a un discours vrai. On adore les jeunes (c'est normal ils votent pour nous), on se désintéresse des vieux. En écologie l'autorité n'a plus cours : c'est l'horizontalité partout ! A l'école, non plus des maîtres, mais des animateurs de colo, dans l'éducation familiale non pas des parents mais des conseillers. A ce sujet, je ne résiste pas à la tentation de vous faiire part des propos de G. C. Bendit, le frère, alors de la réunion consacrée à l'éducation organisée par Peillon, Sarnez et consorts : « Je ne suis pas de ceux qui disent que les enseignants sont des gens formidables. Je n’aime pas mon pays ! Cette école qui crée les nationalismes ! Je n’aime pas l’école parce qu’elle n’est pas aimable ! Les enseignants, ils ont des primes pour venir enseigner en ZEP. Qu’est-ce que ça veut dire ! Il y a peut-être 15% de profs qui se donnent à leurs élèves… ».
En Ecologie, si on n'aime pas les enseignants, on aime les gays et les lesbiennes, on aime les arabes musulmanes aussi. Le même Gaby Cohn Bendit, décidément en forme lors de cette réunion affirme sans frémir : "Moi à l’école, je veux le petit avec la kippa, la petite avec le voile. J’en ai marre des républicains, j’aime les monarchies du nord ! C’est ça qui marche !". Vive les communautarismes et même à l'école !
En Ecologie, on n'aime pas trop l'armée, on la voudrait sympa, proche des gens et plus respectueuse de l'environnement, une armée qui renoncerait à l'arme nucléaire en gros. En Ecologie, on déteste tout ce qui représente l'institution, les normes etc. La loi est d'ailleurs faite pour être enfreinte : La désobéissance civile y est un acte de résistance face à l'oppression.
En Ecologie, le rapport à l'industrie et au monde du travail est des plus ambigu, entre abjection pour certaines activités, et fascination quasi-scientiste pour d'autres. Demandons aux écologistes leur opinion concernant la répartition entre travail et capital dans les entreprises et voyez la tête qu'ils font ? "Mais de quoi parlez-vous ?" rétorqueront-t-ils. Parlez leur ensuite des centaines de milliers d'emplois en France dans les industries polluantes : à éradiquer ? Il y a fort à parier qu'ils vous répondront qu'ils seront compensés par des emplois verts... expliquez leur pourquoi le métier le plus écolo est celui d'éboueur. "Pour une France d'éboueurs !" crieront-ils alors.
En Ecologie, le local, c'est la solution : moins de transport, filières de distribution plus courtes, c'est privilégier l'artisan et le commerçant plutôt que le grand distributeur. C'est moins de camions, et plus de produits frais. Ah, oui le local, comme c'est beau! D'ailleurs, il faut aussi autonomiser davantage les territoires. Le fédéralisme girondin, plutôt que le Jacobinisme centralisateur. Décidément l'écologie politique n'est pas si éloigné que cela du poujadisme. Sauf que ! Sauf que ! l'écologiste n'est pas xénophobe, il aime l'autre et se tourne naturellement vers autrui en lui apportant amour et sagesse. Son univers mental, c'est celui de l'Europe, voire même celui du monde. Il ne saurait y avoir d'inimitié entre les peuples. Tous ensemble mais séparément chacun dans son coin. Le citoyen mondialisé et connecté mais vivant de son potager. Rétrécir l'univers de chacun afin qu'il s'ouvre au monde, curieuse conception.

En Ecologie on a aussi des ennemis : Ronald Mac Donald, les chasseurs, les agriculteurs. (liste non exhaustive) On a les ennemis qu'on mérite. En Ecologie on adore la science verte, la maîtrise de l'énergie, on parie sur sur la recherche-développement, les biocarburants, les énergies renouvelables. En Ecologie, on est embêté par l'énergie nucléaire parce qu'on est pas d'accord entre nous. En Ecologie, le monde est peuplé de bisounours qui adorent se faire des câlins. En voilà un beau programme et une société (ir)radieuse !

LES VOIES DE L'ECOLOGIE SONT IMPENETRABLES

Europe Ecologie comme les Verts veulent apparaître comme éloignés des préoccupations politiques majeures, jouant là sur le rejet d'une partie grandissante de l'électorat à l'encontre des partis traditionnels. "Nous ne sommes pas comme eux" comme slogan en bandoulière. Quitte à apparaître ni de droite ni de gauche. Ou plus exactement, ces partis s'autoproclament de gauche tendance libertaire sur les problèmes sociétaux (je n'ai pas dit sociaux). Ils se font plus discrets sur les enjeux économiques car leur libéralisme éhonté ferait fuir plus d'un de leurs électeurs potentiels.
D'ailleurs, l'écologiste politique se revendique volontiers "inclassable" (comprendre "au dessus des bas enjeux électoralistes") et adore la posture de "trublion iconoclaste". Pourquoi dans ces conditions demander à un mouvement qui se veut inclassable de se prononcer sur la "lutte des classes" ?
Les portes-paroles écolo (dont le spectre va de Yann Arthus Bertrand, photographe en hélicoptère à Nicolas Hulot animateur vedette, de José Bové, syndicaliste agricole, en passant par Eva Joly ex juge mains propres, à D .Cohn Bendit, soixante-huitard attardé mais repenti) font preuve de suffisance. Ils considèrent qu'ils peuvent se le permettre parce que EUX sont au service d'une Cause juste et plus digne qui relève d'un Intérêt Supérieur. Depuis leur chaire, ils attribuent bons et mauvais points et ne répondent jamais de leurs actes quand ils sont aux responsabilités. A la première occasion, ils accordent leur soutien au plus offrant.

L'écolo militant s'érige ainsi en nouveau clergé et édicte les vertus cardinales. Son prêche débute au lever pour ne s'arrêter qu'au coucher. A vêpres, il consacre J Bové en nouveau martyr christique neomoderne. Puis, il s'ingénie à débusquer l'hérétique : ainsi, le scientifique climato-sceptique, c'est-à-dire celui qui doute de la réalité du réchauffement et de la part de l'activité humaine dans ce dernier, est voué aux gémonies. Il est soupçonné d'être au service de lobbys mécréants, aux mains des pétroliers, des transporteurs ou de la filière nucléaire. Pour eux, les bûchers sont prêts... et du clergé à l'inquisition, il n'y a qu'un pas... Ce nouveau clergé prie pour les îles du Pacifique bientôt submergées, il prédit l'Apocalypse pour demain. Il est millénariste et croit encore pouvoir bâtir un Paradis terrestre (avec des pommiers, des serpents et même des licornes). Sa bible est constituée des courbes de températures, de mesures du recul des glaciers, de la liste des gaz à effet de serre. Les textes apocryphes sont déjà censurés, le dogme est en place.
Dans l'écologie politique, on ne compte plus les hérésies, les querelles de chapelles, les pélerinages médiatiques et les délivrances d'absolution. L'important est de convertir sans cesse, d'accroître le nombre des fidèles et promettre les foudres divines à celui qui doute. La sphère écolo agrège sans cesse.

POUR UN VERT QUI NE SOIT PAS SEULEMENT PARASITAIRE


L'échec du sommet de Copenhague laisse toutefois la porte ouverte à l'écologie politique. Une véritable aubaine, comprenez bien, si ce sommet avait accouché d'un accord, il aurait fallu expliquer aux gens que cela ne suffisait pas, que le combat à mener était encore long et semé d'embûches. Ouf, il suffira pour les prochaines élections marquer du sceau de l'infamie ces dirigeants "irresponsables". Bref, aucune difficulté pour se réhabiliter dans la posture de l'incompris au panache blanc. Plus propre que moi, tu meurs.

"Vert c'est un label !" voilà un slogan qui a de l'avenir. Car en effet, les Ecolos ont réussi le tour de force de faire de leurs propositions politiques un marché. On peut y acheter des permis de polluer, on y distribue des bons points écolo pour les candidats aux présidentielles comme Hulot a cherché à le faire en 2007. On joue sur la vague "Home", documentaire programmé (tel un deus ex machina) la veille d'élections européennes. Comment se procurer le label vert distribué parcimonieusement par le canal historique ? En pondant des taxes carbone en échange de postes ministériels (Ouverture sarkozyste)? En défendant la voiture électrique d'Heuliez pour quelques places aux régionales (Stratégie Royal) ? En rajoutant du vert au logo du Parti de gauche ? En redonnant un espace médiatique à Corinne Lepage au Modem ? Les verts adorent être dragués, et leur stand ne désemplit pas. La course à l'échalotte verte a de beaux jours devant elle. (Quoi vous avez dit une échalotte verte ? C'est pas un peu OGM ça ?)
Décidément, le Vert agitateur d'idées et médiatique ne suffit plus, il est devenu inaudible en plus d'être insupportable. Le vert de l'après Copenhague doit trancher politiquement : le développement capitaliste est il soluble dans le respect de l'environnement ? Une fois qu'il aura une réponse à fournir, on pourra, enfin, commencer à parler politique avec l'Ecologie politique.


10/01/2010
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